Or, gaz, pétrole, soleil : le Sénégal a tout pour réussir

Apr 06, 2025Par La Rédaction du Cercle

LR

Le Sénégal est sur le point de franchir un cap décisif.

Entre les exportations croissantes d’or, le démarrage de la production de gaz et de pétrole offshore, et la montée en puissance du solaire dans le mix énergétique, tout semble réuni pour faire entrer le pays dans une nouvelle ère de prospérité.


Et pourtant… l’histoire africaine est jalonnée de pays riches en ressources naturelles, mais pauvres en transformation, en redistribution et en stabilité.

Le Sénégal peut-il éviter ce piège ? Peut-il transformer son potentiel énergétique et minier en véritable levier de développement national ?

Un pays riche sous ses pieds, mais encore fragile sur le plancher


• L’or, exploité dans le sud-est du pays (Sabodala, Kédougou), représente plus de 35 % des exportations sénégalaises.

• Le gaz naturel offshore (projets GTA et Yakaar-Teranga) et le pétrole de Sangomar devraient générer jusqu’à 700 milliards FCFA/an (plus d'1 milliard de dollars) de revenus à l’État d’ici 2030.

• Le soleil, avec un ensoleillement parmi les plus élevés du monde, est déjà valorisé via des centrales photovoltaïques (Bokhol, Malicounda, Kaél…).



Mais paradoxalement :

• Le pays importe toujours massivement son énergie

• Il n'existe pas des entreprises sénégalaises championnes dans la transformation de l'or en bijoux, montres, accessoires

• La valeur ajoutée locale dans le secteur minier reste très faible

• Et les inégalités territoriales sont toujours présentes 


Le syndrome de la malédiction des ressources



La “malédiction des ressources” est bien connue des économistes :

C'est lorsqu’un pays riche en ressources naturelles se développe moins bien qu’un pays sans ressources, à cause d’une économie mal diversifiée, d’une mauvaise gouvernance ou d’une dépendance excessive à l’exportation brute.



Symptômes typiques :

• Inflation des dépenses publiques sans impact structurant

• Renforcement de la rente au détriment de la production

• Vulnérabilité aux chocs extérieurs (variation des cours mondiaux)



Le Sénégal est-il à l’abri de ce scénario ? Rien n’est moins sûr.


Les trois défis à relever



1. La transformation locale ou la fuite des richesses


Il faut développer des filières locales :

• Transformation du gaz en électricité : il ne faut pas se tromper de cible, l'idée première est d'avoir de l'énergie pas chère pour alimenter la base industrielle. Les investisseurs industriels vont là où l'énergie est la moins chère, les taxes sont les moins élevées et là où il peuvent recruter des compétences. 


• Raffinage de l’or : il nous faut des entreprises de fabrication de bijoux et accessoires en or.

• Usines de composants solaires : dans un pays comme le Sénégal, il parait incompréhensible de ne pas trouver des champions en énergie solaire. 

Ces 2 derniers points dépendent fortement, mais pas que, du 1er.

Sans transformation, les milliards s’envolent… les emplois aussi... et la connaissance aussi. 



2. La gouvernance et la transparence



Les recettes issues des ressources doivent être traçables, budgétisées, encadrées.

Ces recettes doivent être investies et non dépensées. 

L'exemple que j'ai donné sur l'énergie est intéressant : les recettes issues du pétrole et du gaz doivent avoir pour 1er objectif de rendre le prix de l'énergie faible pour booster la création d'unités industrielles. 

Dès lors que cette vision est posée, la bonne gouvernance signifie mettre en place les indicateurs nécessaires pour surveiller l'affectation de ces recettes. 

La création d’un fonds souverain transparent, indépendant de l’exécutif est une priorité.


Sinon, on entre dans le syndrome du “budget invisible” : de l’argent public capté par une minorité, au nom du bien commun.



3. L’inclusion énergétique



Le gaz et le solaire doivent servir les zones rurales, les PME, les écoles, les hôpitaux.

Pas seulement les grandes industries ou les quartiers urbains connectés.


Car un modèle énergétique qui exclut la base, c’est un modèle socialement instable.


Et si le Sénégal réussissait l’impossible ?



Oui, le Sénégal peut éviter la malédiction.

À une condition : changer de logique.

Passer d’une économie de rente à une économie de transformation.

D’une gestion centralisée opaque à une gouvernance partagée et territorialisée.

D’un modèle extractif à un modèle d’accumulation et d’innovation locale.



Ce tournant est possible. Surtout il est urgent.



Conclusion : un pari générationnel



Le Sénégal entre dans l’ère des ressources pétrolières. 

Elle avait déjà perdu la guerre des ressources autres qui sont déjà sur son sol, qui ne lui ont pas permis de tirer son épingle du jeu depuis 1960. 

Pourquoi?
Parce que les ressources ne font pas la richesse.

C’est la stratégie qui crée la prospérité. Celle ci est posée par les politiques. 


À nous ensuite — entreprises, citoyens, penseurs, décideurs — de veiller à ce que cette richesse devienne un socle, et non une faille.