Les clubs invisibles de Dakar

Mouhamadou Niang
Jul 27, 2025Par Mouhamadou Niang

Cartographie partielle des cercles qui comptent, mais ne recrutent pas


À Dakar, l’accès au pouvoir ne se demande pas. Il se reçoit. Et il commence presque toujours dans un club que personne ne nomme vraiment.


Il n’existe pas de bâtiment avec un panneau doré, ni de site internet.

Pourtant, la capitale sénégalaise est structurée — subtilement mais fermement — par des clubs d’affaires, cercles de loyauté ou groupes d’influence dont l’existence est connue sans jamais être affichée.

Certains ont un nom. D’autres n’ont que des surnoms. Tous partagent un point commun : on n’y entre pas par candidature. On y entre parce qu’on a été vu, observé, jugé… et finalement appelé.

👉Voici une lecture à froid de ce que l’on pourrait appeler les clubs invisibles de Dakar. Ceux qui orientent, filtrent, verrouillent ou libèrent. Un à un.

 
🏛 Les clubs officiels : vitrines utiles mais incomplètes


Il faut commencer par les structures visibles, celles que tout investisseur ou cadre en poste aperçoit dans ses premiers mois à Dakar. Ce sont des lieux de passage obligés, mais rarement des lieux de décision.

🔹 Club des Investisseurs Sénégalais (CIS)


Créé autour de figures comme Baïdy Agne ou Pathé Dione, le CIS rassemble une élite d’industriels et de financiers. Loin des projecteurs, le club joue un rôle actif dans les grandes orientations économiques du pays. On y parle politique publique, mais entre initiés.

Note : ce n’est pas un club fermé, mais il est imperméable au bruit. Ceux qui y siègent ne commentent jamais.

🔹 CCIAD & Club Franco-Sénégalais


Chambre de commerce, forum B2B, événements diplomatiques. Ces cadres sont utiles. Ils permettent de se montrer, de s’insérer, parfois de capter une tendance. Mais ils ne constituent qu’un sas d’entrée vers d’autres cercles, moins exposés, plus exigeants.

🔹 Clubs sectoriels professionnels


Tech, BTP, finance, avocats d’affaires, fiscalistes. Des entités comme Sénégal Tech Leaders, l’AmCham, ou les cercles d’experts-comptables ont leur utilité. Mais leur influence reste technique. Le pouvoir réel se tient ailleurs, juste derrière, dans des conversations non enregistrées.

 
🕴 Les clubs informels d’élite : ceux qui comptent vraiment


❌Ils n’ont pas de statuts. Pas de réunions publiques.

✅Mais tout le monde sait qui y est. Et surtout, qui n’y est pas.

🔹 Les cercles familiaux et confrériques


Les grandes familles politiques, religieuses ou notariales (Diouf, Wade, Ba, Fall, et d’autres) fonctionnent comme des clubs d’affaires à part entière. On y partage des dossiers, on y protège des intérêts. Et parfois, on y bloque des ambitions.

Ces cercles fonctionnent par transmission de loyauté. Plus que par transmission de capital.

🔹 Dîners privés dans certaines villas


Sacré-Cœur 3, Mermoz, Ngor Virage. D’anciens ministres y reçoivent des notaires. Des fils de… y rencontrent des promoteurs. Des deals y prennent forme. Le foncier, la succession politique, les arbitrages judiciaires : tout ce qui ne peut pas passer par voie officielle y circule.

Rien n’y est écrit. Tout y est su.

🔹 Groupes WhatsApp fermés


Les Lions du Business, Génération Héritiers, Diaspora Invest Club… Des noms et des réalités bien concrètes. Ces groupes rassemblent des profils triés sur le volet. On y échange des opportunités avant qu’elles n’apparaissent. On y partage des alertes, des dossiers, des recommandations. Et surtout : on y pratique l’exclusion.

Un mot de trop, un message déplacé, et vous n’existez plus.

 
🌱 Les clubs émergents : génération diaspo et ambition structurée


Une nouvelle vague d’influence émerge, souvent portée par des profils 30–45 ans, binationaux, formés à l’étranger. Moins attachés aux codes religieux, mais tout aussi stratégiques.

🔹 Le Cercle Haské


Réseau diaspo privé, en croissance. On y parle investissement collectif, mentorat, stratégie d’insertion sur le territoire. Silencieux, mais efficace.

🔹 JokkoLabs, Defko Ak Niep


Nés dans le champ de la tech et de l’impact social, ces cercles attirent désormais investisseurs, institutionnels, voire diplomates. Ce sont les nouveaux sas d’entrée pour les étrangers brillants qui veulent comprendre les codes sans les brusquer.

🔹 Salons littéraires et dîners de réflexion


Autour d’un ancien juge, d’un avocat discret ou d’un intellectuel sans attaché de presse, se créent des cercles soft. On y parle société, droit, pouvoir. L’influence y est plus lente, mais souvent plus profonde.

 
👑 Pourquoi ces clubs restent introuvables


Parce que leur pouvoir repose sur leur absence de vitrine. Pas de site. Pas d’affiche. Pas de storytelling LinkedIn.

Vous ne les rejoindrez pas en envoyant un formulaire. Vous les rejoindrez si l’un de leurs membres prononce votre nom au bon moment, et que personne ne s’y oppose.

 
🧭 Conclusion : savoir les reconnaître, sans les chercher


Dakar n’a pas de “Cercle de l’Union” à la française, ni de “Harvard Club” à l’américaine. Ce qu’elle a, c’est un archipel de loyautés privées, reliées entre elles par des silences, des prénoms, des pactes anciens et des gestes rares.

Comprendre les clubs d’influence à Dakar, c’est accepter qu’ils ne se montrent jamais tous en même temps. Et que leur force tient justement à cela.

Ou alors il faudrait le créer, le structurer, façon Chinese Business Club. 

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