Ce que les plans industriels révèlent des priorités de l’État sénégalais
→ Décryptage discret des arbitrages publics et privés autour des zones économiques spéciales
Je suis un amoureux de l'industrie, y ayant fait toute ma carrière. Je sais que le développement industriel du Sénégal est inévitable. Mais je sais aussi que nous n'y sommes pas encore, principalement parce que nous ne sommes pas ambitieux.
Les actes à poser doivent être plus forts, plus affirmés, plus professionnels. Entre 1945 et 1965, nous avons assisté à la création d'environ 200 usines par an en moyenne en Chine.
En me basant sur ces chiffres, et en posant une hypothèse sur la consommation d'énergie par usine de moyenne taille, je comprends que l'ambition énergétique de l'Etat du Sénégal (qui est un préalable important de l'industrialisation) est beaucoup trop faible par rapport aux potentialités réelles du Sénégal.
Dans ma lettre privée, je vous donne les chiffres dont je parle, ne nous attardons pas dessus pour l'instant dans cet article. Rejoignez la lettre privée.
👉Je suis donc arrivé à la conclusion que l'industrialisation n'est pas une vraie priorité aujourd'hui. Car je refuse de croire qu'il s'agit d'un manque de compétences.
L'avenir nous édifiera.
Derrière les plans industriels, le message.
On croit encore que les plans industriels sont conçus pour produire. En réalité, ils sont souvent pensés pour signaler.
Signaler à qui ?
✅Aux investisseurs.
✅Aux partenaires étrangers.
✅Aux puissances voisines.
Un plan industriel est d’abord un message diplomatique, enveloppé dans du béton et des chiffres. Et ce message est rarement ce qu’il semble.
Les Zones Économiques Spéciales : outil de développement ou carte à jouer ?
Sandiara, Diamniadio, Sébikotane… Ces zones concentrent aujourd’hui des milliards en investissements. Mais leur logique n’est pas seulement économique. Elle est géopolitique.
👉 Une ZES peut servir à :
Marquer un territoire dans une région disputée (ex. : près d’un futur port)
Créer une enclave “vitrine” pour rassurer des investisseurs étrangers
Offrir un levier de négociation dans des échanges avec des partenaires stratégiques (Chine, Turquie, Maroc…)
Le foncier industriel est un langage d’initiés. Ceux qui lisent entre les lignes comprennent ce qui se prépare... bien avant les annonces officielles.
L'investisseur privé aguerri comprend ce jeu et s'y insère. Il ne peut pas gagner seul, mais il gagne à coup sûr lorsqu'il a compris son rôle.
Les implantations d’usine au Sénégal
Ce n’est pas l’activité qui compte, c’est le profil du porteur - ou plutôt devrais-je dire : lorsque vous êtes un observateur extérieur, l'activité compte bien moins que son porteur.
On regarde souvent ce que produit une usine. On ferait mieux de regarder qui la porte.
📌 Une unité industrielle qui produit peu mais est soutenue par un ancien ministre, ou un conseiller d’ambassade, aura toujours plus de poids qu’une structure hautement rentable mais seule.
📌 Un projet lent mais géographiquement bien placé peut jouer un rôle stratégique dans les arbitrages budgétaires ou diplomatiques.
Les vraies priorités de l'Etat : entre électricité, routes… et stabilité sociale
C'est comme dans les entreprises. Très souvent, les salariés ne comprennent pas le décalage entre ce qu'il faut faire pour augmenter l'efficacité (vu de leur fenêtre) et ce que fait le Top Management.
J'aime affirmer le paradoxe suivant :
✅L'Etat c'est comme une entreprise, mais qui peut s'endetter et se financer sur des périodes beaucoup plus longues, ce qui le rend différent d'une entreprise.
Les discours publics des autorités parlent souvent de production, d’innovation, d’exportation. Mais les vraies priorités de l’État, ce sont :
L’électricité (surtout pour les zones tampons, instables ou sensibles)
L’accessibilité logistique (routes, rails, ports)
L'emploi dans les zones politiquement stratégiques (électorales ou agitées)
Vous voulez des preuves ?
Observez où sont accélérés les permis, qui obtient les exemptions fiscales, et quels projets ont une couverture médiatique immédiate.
A chaque alternance, on pense qu'il y aura une différence. La réalité est qu'il n'y en aura pas. Votre rôle, si vous êtes un particulier ou un investisseur privé, est de comprendre les règles du jeu et jouer selon ces règles.
Le rôle invisible des banques
On oublie souvent un acteur majeur : les banques commerciales.
Certaines refusent de financer une usine… jusqu’à ce qu’un nom apparaisse dans l’organigramme.
D’autres acceptent de prêter à taux préférentiel car elles savent que l’État compensera d’une autre manière (marchés publics, commandes, autorisations…).
👉 Le financement industriel au Sénégal est politique avant d’être financier.
Ce qu’il faut surveiller
Pour comprendre les prochaines orientations industrielles, oubliez les journaux. Surveillez plutôt :
✅Les recrutements discrets dans les ministères techniques
✅Les déplacements du président dans certaines communes rurales
✅Les créations de routes nouvelles, sans annonce, vers des zones peu habitées
✅Les hausses de prix anormales sur certains terrains agricoles
Ce sont des signaux faibles, mais ils précèdent toujours les arbitrages forts.
En conclusion
Un plan industriel ne se lit pas. Il se décode.
Chaque zone, chaque délai, chaque oubli apparent est une révélation involontaire des priorités réelles de ceux qui décident.
👉 Dans la Lettre Privée, je vais un peu plus dans ces sujets industriels. Alors vous savez ce qu'il vous reste à faire