Pourquoi les bâtisseurs africains doivent se parler entre eux
LR
L'erreur de la salle d'attente
Imaginez une pièce pleine de jeunes entrepreneurs, d’ingénieurs, d’agronomes, de développeurs de projets industriels.
Ils sont là, debout, dossiers à la main, regard tendu vers une grande porte.
Derrière cette porte : un bailleur, un fonds, un organisme de coopération.
Chacun attend son tour pour « pitcher » son projet.
Chacun espère que ce jour-là sera le bon.
Qu’enfin, quelqu’un dira : « On vous suit ».
Et pendant qu’ils attendent, ils ne se parlent pas entre eux.
Ils ne savent pas qu’à deux tables de là, un autre bâtisseur a une pièce manquante à leur puzzle.
Ils ne réalisent pas qu’ils pourraient bâtir ensemble… au lieu d’attendre seuls.
C’est ce silence entre bâtisseurs qui nous coûte des années.
Un vieux réflexe colonial ?
Pendant trop longtemps, notre réflexe a été de chercher l’aval.
L’aval du Nord. L’aval de la Banque. L’aval de la grande institution.
On a appris à parler pour convaincre les bailleurs…
…pas à parler pour s’entendre entre bâtisseurs.
Mais voici une vérité simple :
Un bailleur ne construit rien.
Il finance. Il accompagne. Parfois, il oriente.
Mais ce n’est pas lui qui se lève à 6h pour démarrer une ligne de production.
Ce n’est pas lui qui cherche un fournisseur quand le port est bloqué.
Ce n’est pas lui qui prend le risque.
Le langage des bâtisseurs est différent
Un bâtisseur sait :
--> Ce que coûte une erreur de planification
--> L’importance d’un bon chef de maintenance
--> Le stress des premiers recrutements
--> La joie d’un premier lot produit localement
Quand deux bâtisseurs se parlent, il se passe quelque chose de rare : la vérité circule.
Pas de jargon. Pas de présentation PowerPoint.
Mais des phrases comme :
« Voilà ce qui a failli me tuer sur mon projet. »
« Si tu lances ça, prends ce gars-là, il est solide. »
« Moi j’ai grillé 50 millions sur cette erreur. Je t’explique pourquoi. »
C’est ce type de parole qu’aucun bailleur ne peut donner. Sauf si ce bailleur est lui-même un bâtisseur.
Et c’est ce type de parole qui fait gagner des années.
Les fondations invisibles
Prenons une image simple.
Imaginez deux bâtisseurs qui veulent monter un immeuble.
Chacun arrive avec ses briques.
Mais entre les deux, un mur invisible : la course au financement.
Chacun croit qu’il doit être le plus visible, le plus séduisant pour les bailleurs.
Alors ils se concurrencent au lieu de collaborer.
Résultat ?
Ils finissent par poser quelques briques chacun de leur côté… sans jamais bâtir un édifice complet.
Ce que les bâtisseurs doivent comprendre, c’est qu’il n’y a pas de mur.
Il n’y a qu’un manque de conversation.
En 2021, deux entrepreneurs sénégalais lancent deux projets différents :
l’un dans la transformation de noix de cajou,
l’autre dans la fabrication d’aliments pour bétail.
Tous deux importaient la même pièce de rechange pour leurs broyeurs — d’Inde.
Mais ils ne se connaissaient pas. Ils ont mis 2 ans avant de réaliser qu’ils pouvaient mutualiser leurs commandes, partager un stock, et même lancer une petite unité d’usinage locale.
Ce lien n’a jamais été activé par un bailleur.
Il a été activé par une discussion lors d’un dîner… entre bâtisseurs.
Cercle fermé, ou cercle fertile ?
Le Cercle des Almadies est plus qu'un club d’élite.
C’est une communauté d’action, pensée pour ceux qui veulent construire.
Pas pour faire du bruit.
Mais pour mettre en réseau ceux qui transforment la matière, les compétences et les économies locales.
Pas de grande scène. Pas de show.
Mais des conversations en profondeur, des visites d’usines, des diagnostics, des collaborations concrètes.
Notre conviction est simple :
Le futur de nos industries ne dépend pas d’un budget de bailleur, mais de la coordination des bâtisseurs.
En Conclusion : Parler pour construire, pas pour séduire
Nous devons sortir du réflexe de la vitrine.
Nous devons entrer dans le réflexe du chantier partagé.
Le Sénégal se construira à partir des connexions entre les vrais acteurs.
Ceux qui savent ce qu’est une panne. Une embauche. Une nuit blanche à réécrire un planning.
Et si nous commençons par nous parler entre nous, alors les bailleurs nous suivront.
Pas l’inverse.
Cercle des Almadies
Réunir ceux qui transforment